L’entreprise individuelle, c’est un peu la porte d’entrée historique de l’entrepreneuriat. Accessible, directe, sans détour. On ne monte pas une boîte, on ne crée pas une personne morale distincte. On agit en son nom propre, avec son patrimoine propre, et une responsabilité qui l’est tout autant. C’est brut. C’est simple. Et c’est aussi, pour beaucoup, le moyen le plus rapide d’avoir un accès à l’entrepreneuriat, sans se noyer dans le formalisme des sociétés commerciales.
Mais commençons par le cœur du sujet : être en entreprise individuelle, c’est être seul à bord. Pas d’associé, pas de capital social à déposer, pas de statuts à rédiger. L’inscription se fait via le guichet unique, et dès que le numéro SIRET est attribué, l’activité peut commencer. Le cadre juridique est donc minimaliste, ce qui en fait une solution de choix pour les freelances, les artisans, les commerçants, et ceux qui testent un projet avant d’envisager de le faire grossir.
Là où la confusion s’installe souvent, c’est que beaucoup assimilent l’entreprise individuelle à la microentreprise. C’est faux. La microentreprise est un régime fiscal et social simplifié qui peut s’appliquer à l’entreprise individuelle, mais on peut très bien être en entreprise individuelle au réel (avec une vraie comptabilité, TVA, amortissements, etc.). Cette distinction est fondamentale, car elle conditionne à la fois la charge administrative, les obligations comptables, et la manière dont on peut faire évoluer l’activité.
Autre point structurant : la responsabilité. Avant 2022, un entrepreneur individuel mettait en jeu l’intégralité de son patrimoine personnel. Depuis la réforme de l’EI, une séparation automatique est instaurée entre les biens professionnels et personnels. C’est mieux. Mais cette protection reste relative : une mauvaise gestion, une dette fiscale, ou une fraude peuvent toujours engager votre responsabilité au-delà du périmètre professionnel. Autrement dit : ce n’est pas parce que c’est simple que c’est sans risque.
Sur le plan social, l’entreprise individuelle relève du régime des travailleurs non salariés (TNS). Les cotisations sociales y sont globalement plus faibles qu’en SASU, mais la protection sociale aussi. Moins de couverture en cas d’arrêt maladie, de maternité, ou d’invalidité. Pas d’assurance chômage. C’est un équilibre entre coût et couverture. Il faut savoir ce qu’on perd pour comprendre ce qu’on gagne. Et inversement.
Côté fiscal, l’entrepreneur individuel peut opter pour l’impôt sur le revenu (par défaut) ou, depuis la réforme, pour l’impôt sur les sociétés si l’activité est exercée sous forme d’EIRL (option de plus en plus marginale, voire obsolète depuis l’intégration du statut unique d’entrepreneur individuel). Le revenu professionnel est imposé comme revenu personnel, ce qui peut vite faire grimper la pression fiscale si l’activité décolle. La vigilance est donc de mise dès les premières bonnes années.
Dans les faits, beaucoup de freelances en entreprise individuelle n’ont jamais vu de document comptable structuré. Ils gèrent leur activité à la facture, sans plan de trésorerie, sans compte de résultat, parfois même sans suivi bancaire distinct. Tant que le chiffre d’affaires est modeste, ça passe. Mais dès que les revenus deviennent significatifs, cette légèreté devient une menace. Mauvaise anticipation des cotisations, sous-évaluation des charges, absence de provision pour l’impôt : les retours de bâton sont fréquents.
Et puis il y a la question de l’image. Une entreprise individuelle, c’est votre nom. Vous signez vos devis et vos factures en tant que personne physique. Ça peut convenir dans certains secteurs, mais dans d’autres – notamment dans le conseil B2B ou le numérique – cela peut faire moins sérieux qu’une société, même unipersonnelle. Les clients, souvent à tort, associent “entreprise” à “société”, et une absence de forme juridique visible peut générer des doutes. Là encore, le statut ne fait pas tout, mais il influe sur la manière dont on est perçu.
Enfin, il faut évoquer les alternatives. Beaucoup d’indépendants basculent vers la SASU pour bénéficier d’un régime salarié, ou vers le portage salarial pour sécuriser leur protection sociale tout en conservant l’autonomie commerciale. D’autres montent une EURL pour mieux structurer leur patrimoine ou ouvrir le capital plus tard. L’entreprise individuelle reste donc une bonne solution de départ, mais elle n’est pas toujours durable. C’est un tremplin, pas une fin en soi.